Comme chaque année vers la fin mai, arrive le moment tant redouté à Mendagne, c'est-à-dire le vidage des lacs de haute montagne, appelé "transparence" et effectué par les services d’ Electricité de France. Lors du vidage du seul lac d’Artigues, le débit d’eau dans l’Adour va passer de 700 litres par seconde à plus de 6000 litres par seconde. Autant vous dire que la prise d’eau du moulin

semble bien peu de chose face à ces énormes quantités d’eau qui déferlent des sommets bousculant tout sur leur passage. En plus du vidage des lacs, il faut ajouter cette année les orages quasi quotidiens qui contribuent au grossissement des rivières mais aussi et surtout la fonte de millions de mètres cubes de neige accumulés pendant les six mois d’hiver.

Situé en aval de la station de ski de La Mongie, le lac de Castillon a été vidé entre les 18 et 20 Mai. Cette semaine c’est au tour du lac d’Artigues de passer au nettoyage, du 26 au 29 Mai. Quatre jours d’angoisses supplémentaires ! La retenue d’Artigues collecte les eaux de toutes les Adours (Arizes, Tourmalet, Garet) mais aussi les eaux stockées dans les lacs de Caderolles, Campana et du plus imposant d’entre eux,  Gréziolles (capacité : 4 250 000 m³). Si une grosse partie de ces eaux turbinées dans les centrales d’altitude d’Artigues et de Gripp sont acheminées par une galerie souterraine jusqu’à l’usine de Beaudéan avant d’être rejetées à l’Adour, il n’en reste pas moins que toute l’eau du lac et tous les trop pleins du lac d’Artigues empruntent le chemin le plus court, c'est-à-dire la rivière qui passe devant le moulin. Il est à noter que cette année, alors que l’on n’a pas encore commencé le vidage d’Artigues, l’Adour est déjà saturée et son débit est aussi fort que pendant les transparences des années passées. Qu’en sera-t-il demain, lorsque les vannes  s’ouvriront ?

L’an passé, c’est un bruit semblable à celui d’un troupeau de chevaux lancés au galop qui m’a tiré hors de la maison : c’était en fait la première vague tsunami du lâcher d’eau qui roulait d’énormes cailloux et des troncs d’arbres dans la rivière. Je sais maintenant pourquoi le granit que l’on trouve dans les basses vallées est arrondi.

Depuis que je restaure le moulin, je vis près de la rivière quotidiennement et je suis bien sûr beaucoup plus attentif à tout ce qui se passe autour de moi : propreté apparente de l’eau, fluctuations intempestives du niveau, charriage de cadavres d’animaux, algues accrochées sur les rochers, présence et quantité de phryganes, petits trichoptères volants dont les larves vivent au fond de l’eau, dans un fourreau qu’elles ont fabriqué

et qui protège leur abdomen mou.Sur une base de sécrétions, la larve colle, selon l’espèce, des débris végétaux, du sable ou des graviers, des coquilles d’escargots. Ce fourreau est élargi par l’avant au cours de la croissance. La nymphe, très mobile, sort ensuite à terre pour l’éclosion de l’imago. A moins qu’un pêcheur ne l’ait capturée avant pour l’accrocher en tant qu’appât sur son hameçon !

Comme le lac est très ensablé, les services de la DRIRE (Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’environnement) mais aussi des agents de sociétés privées effectuent des prélèvements réguliers, (toutes les 30 minutes) de façon à contrôler plusieurs éléments comme la conductivité de l’eau, sa température, son Ph, l’oxygène qu’elle contient. Un laboratoire volant d’analyses physico-chimiques dose également toutes les heures la teneur de l’eau en Nh3 (amoniaque) et en NO2 (nitrites). Combien de temps encore la nature va-t-elle laisser croire aux hommes que se sont eux qui dirigent et contrôlent les évènements qu’ils créent ?

25 mai 2009, veille du vidage du lac d’Artigues